Le week-end du 12 & 13 Septembre se déroulera la 16e édition du Festival Food Omnivore au Parc Floral de Paris, en plein coeur du Bois de Vincennes. Un line-up incroyable de plus de 200 invités dont plusieurs personnalités péruviennes du monde de la gastronomie se déplaceront pour nous emmener en voyage grâce au 11ème art. Après la mise en lumière de la cuisine l’Amérique Latine ces dernières années, les grands chefs tels que Virgilio Martinez ou son épouse Pia Léon seront les principales vedettes du week-end. Masterclasses, découvertes de produits, dégustations, scènes et rencontres vont rythmer ce rendez-vous. Focus sur deux de ces chefs péruviens qui nous rendront visite durant ce festival organisé en partenariat avec PromPeru.

La cheffe Pia Leon

Pia Leon

Élue « World Best Female chef » par le World’s 50 Best Restaurants, il s’agit sans aucun doute de la personne la plus citée au cours de ces derniers mois dans la gastronomie péruvienne.

Née en 1986 dans la capitale du Pérou, Pia découvre la cuisine auprès de sa mère dans la maison familiale et commence à étudier le 11ème art dans la célèbre école internationale Le Cordon Bleu. Une fois diplômée, elle traverse l’Atlantique pour faire ses gammes au restaurant triplement étoilé El Celler Can Roca à Gérone. Elle fera ensuite le voyage retour pour poser ses valises, ou plutôt ses couteaux au Ritz Carlton à New York.

À ses 22 ans, de retour dans sa ville natale de Lima et travaillant pour le grand chef Gaston Acurio, elle décide finalement de postuler au nouveau restaurant de Virgilio Martinez alors étoile montante de la gastronomie péruvienne. Elle passe un premier entretien avec lui-même pour rentrer dans son restaurant Central, réelle étape culinaire dans le pays. L’avis de Virgilio se montre défavorable face à la demande de Pia. Cependant très déterminée elle insiste plusieurs fois et la dernière fut la bonne. Une fois en cuisine, son talent et ses techniques gastronomiques lui permettent de monter vite dans la hiérarchie du restaurant. Bras droit de Virgilio qui devient son mari, ils lancent ensemble un premier menu qui regroupe les écosystèmes du Pérou et leur altitudes. Ces plats imaginés comme des paysages péruviens, qui invitent au voyage, les propulsent sur le devant de la scène.
Forte de son expérience acquise au cours du début de sa carrière, elle décide de s’émanciper, en 2018, et d’ouvrir son propre restaurant : Kjolle. « Après 10 ans à Central je dois dire que c’est le moment d’exprimer des choses que Virgilio et l’équipe n’ont probablement pas prêter attention pour des raisons structurelles ou simplement pour suivre la pureté du concept » déclare à ce moment León.

« J’ai commencé avec une idée très basique sur le choix des ingrédients avec plus de liberté pour créer des plats avec ma signature ».

Ouverture de Kjolle

Avec cette liberté, elle décrit sa cuisine comme nouvelle et dynamique. Mais ses plats restent comme à Central une histoire sur le voyage dans les régions du pays du Machu Picchu et sur la cuisine inclusive. En effet le voyage et les écosystèmes nombreux du Pérou sont représentés par les couleurs et les textures. Les produits bruts, fournis par les différentes communautés,  sont quant à eux retravailler sans jamais perdre de leur essence. Par exemple son plat de palourdes et de racines amazoniennes est censé évoquer la région et les paysages de la forêt tropicale qui couvre 60% du territoire péruvien. Un plat qui prend littéralement racine dans l’histoire du Pays.

Cette émancipation ne l’empêche pas de continuer de travailler main dans la main avec son époux afin de créer de nouvelles saveurs grâce aux ingrédients encore inconnus du Pérou. Et bien au contraire, l’ouverture de Kjolle marque une étape dans l’expansion de Martinez et elle-même. La même année, Mil, restaurant incroyable situé à Moray au cœur des Andes ouvre ses portes. Tout un univers gastronomique imaginé par le couple péruvien.

Chef Virgilio Martinez

Né à Lima en 1977, il grandit dans le district résidentiel de la Molina à Lima. Dans sa jeunesse la cuisine ne l’intéresse pas du tout et il préfère parcourir le macadam de la capitale péruvienne en skateboard avec ses amis. Élève moyen à l’école, il n’aime pas les règles et la discipline et rêve plutôt de voyages pour découvrir le monde.  Sa jeunesse est marquée par l’époque du Sentier Lumineux et du terrorisme qui gangrène fortement le pays. Des années noires qui le marqueront à jamais.

« Ma passion pour les voyages est née d'un besoin de connaître le monde. Mais il est vrai que nous étions nombreux à rêver de quitter le Pérou dès notre plus jeune âge. J'étais skateur, j'étais champion national et je voulais être professionnel à l'étranger. Je suis issu d'une génération où ceux d'entre nous qui avaient l'ambition de faire quelque chose d'important, de ne pas être juste un de plus, ne voyaient pas beaucoup d'espoir dans un pays qui était plongé dans la violence du Sentier Lumineux. »

Départ à l’étranger et ses débuts en cuisine 

Il décide finalement de suivre la coutume familiale et commence à étudier le droit qui lui permet de s’échapper du Pérou pour arriver en Écosse à l’Université de Stirling.  Peu intéressé par ses études, il se rendra vite compte que c’est ni le lieu, ni la carrière professionnelle qu’il souhaite pour le reste de sa vie. C’est à ce moment précis qu’un livre lui ouvre les yeux sur la direction qu’il veut donner à son existence : White Heat, écrit par l’un des enfants terribles de la cuisine, le Chef Marco Pierre White. Bien que ce soit un livre de recettes, il mêle l’histoire de la vie du chef entre chaque plat. Virgilio en fait un parallèle avec sa personnalité et décide de parcourir le monde pour cuisiner. Peu de temps après, il se retrouve au Canada où il commence à étudier à l’école Le Cordon bleu. Un talent se révèle très vite en lui et il part en France travailler pour Far East. Il a ensuite rejoint le Lutèce à New York et le Four Seasons à Singapour. Il passe par les meilleures cuisines de Singapour, Bogota, São Paulo, ou encore Madrid entre autres.

Virgilio estime que le voyage et l’apprentissage des autres cultures sont des fondamentaux pour d’abord développer sa technique, sa créativité, son inventivité et puis pour connaître de nouveaux ingrédients. Dix ans passent et il décide finalement de retrouver sa terre natale avec un projet en tête. C’est alors à ce moment la qu’il ouvre Central (2009), ou il rencontrera sa femme Pia León qui sera son bras droit avant d’être, aujourd’hui, son égale et associée.

Le menu proposé est principalement européen avec une forte influence française. Cependant le chemin n’a pas toujours été simple. Quelques mois après l’ouverture, la municipalité décide de fermer le restaurant suite à des plaintes du voisinage. S’en suit alors un long combat juridique. Au lieu de s’apitoyer sur son sort, il prend ce temps donné comme une opportunité pour voyager de nouveau mais cette fois ci au sein même du Pérou et de ses communautés afin de créer une carte à son image. Créative, audacieuse, brute, originale avec ses valeurs et ses racines péruviennes. Une histoire de voyages, d’écosystèmes et d’apprentissages de culture communautaires et autochtones qui se traduisent dans l’assiette. Il introduit alors à sa cuisine des ingrédients comme le quinoa, des variétés de pomme de terre peu connues et rajoute à sa carte des plats phares comme le ceviche. C’est un tournant dans sa cuisine qui rencontre un succès total et qui lui permet d’ouvrir plusieurs restaurants à l’étranger comme à Londres ou Dubaï. Sans parler bien sûr des prix et récompenses raflés sur la scène internationale gastronomique.

Concecration et concept péruvien

Au Pérou son projet est matérialisé en quatre concepts clairs avec une philosophie commune. Cette philosophie il la partage d’ailleurs avec Pia et sa sœur Malena avec qui il forme équipe. Central tout d’abord est devenu le restaurant de haute cuisine avec une charge conceptuelle beaucoup plus forte, dans lequel chaque plat exprime la biodiversité du Pérou où l’altitude dicte son identité. C’est le fameux menu en verticalité.

A côté, Kjolle, dirigé par Pia, avec une carte plus libre mais soutenue par le même caractère et la même envie de voyage au sein de la nature péruvienne. S’ajoute à cela Mayo Bar, un bar à cocktails et un format  plus “décontracté” à côté de Central et juste en dessous de Kjolle, où la créativité se matérialise du côté liquide. Reste enfin le quatrième sommet : Mil Centro, un espace gastronomique et de recherche situé à 3 600 mètres d’altitude au milieu des Andes, surplombant les terrasses agricoles de Moray, à une heure et demie de Cuzco, la capitale Inca.

Ce carré gastronomique est soutenu par un laboratoire de recherche et développement du nom de Mater Iniciativa crée en 2013 et dirigé par Malena Martinez, médecin et chercheuse de profession. Son rôle est la compréhension profonde de la nourriture, de la nature, des cultures et de l’environnement du Pérou, dans le but d’intégrer les communautés, les produits et les coutumes à chaque restaurant.

Ainsi dans l’équipe globale on y retrouve des chefs, des chercheurs, des anthropologues, même des archéologues et enfin des producteurs issus des communautés andines qui donnent un sens gastronomique et, de fait, sociologique au projet construit entre Lima et Moray et peut-être bientôt en Amazonie.

Deux cuisinés exceptionnelles venus tout droit du Pérou pour présenter les techniques et les aliments andins. Un show à ne pas rater, ce week-end à Paris pour le plus grand plaisir des chefs et aficionados de la haute gastronomie.

Pour les absents vous pourrez toujours vous consoler en regardant le très bon épisode de Chef’s Table consacré à Virgilio Martinez sur Netflix